Les néologismes
Où naissent les néologismes ?
Qu'on les critique ou qu'on les encense, les néologismes disent la vitalité d'une langue, sa capacité d'adaptation et aussi la richesse des contacts des locuteurs avec d'autres cultures, d'autres langues, d'autres locuteurs.
C'est dans les discours que naissent les néologismes.
Un néologisme désigne un mot nouveau. Mais un mot nouveau n'a pas vocation à rester nouveau indéfiniment... Ainsi, le néologisme se diffuse dans les usages (il peut y avoir des réticences, voire des résistances) et peut entrer dans le lexique d'une langue. Il devient un mot à part entière (on dit qu'il se lexicalise) et est enregistré dans les dictionnaires.
Par exemple, le dictionnaire Le Robert enregistre chaque année dans son édition annuelle des « néologismes » qui sont très employés. À titre d'exemples, voici les listes des mots nouveaux de 2017 et de 2018.
Lorsqu'un néologisme est une création lexicale propre à un auteur, et qu'il n'est pas repris, lorsqu'il n'apparaît une fois, on l'appelle un hapax. On donne souvent comme exemple d'hapax, le mot ptyx créé par Stéphane Mallarmé, dans le Sonnet allégorique de lui-même, rebaptisé Sonnet en X (car ce sonnet n'est fondé que sur deux rimes, une en -x et l'autre en -or(e)).
Néologismes et néologie
Un petit détour historique
Au XVIIIe siècle, on distinguait les néologismes (à bannir) des néologies (acceptables et même estimables).
Lisons L. S Mercier, auteur de Néologie, ou vocabulaire de mots nouveaux à renouveler ou pris dans des acceptions nouvelles (1801) :
Néologie se prend toujours en bonne part, et Néologisme en mauvaise ; il y a entre ces deux mots, la même différence qu'entre religion et fanatisme, philosophie et philosophisme. Tous les mots que j'ai ressuscités, appartiennent au génie de la langue française, ou par étymologie, ou par analogie ; ces mots viennent de boutures, et sont sortis de l'arbre ou de la forêt, pour former autour d'elle des tiges nouvelles, mais ressemblantes ; ainsi je me fais gloire d'être Néologue et non Néologiste : c'est ici que l'on a besoin, plus qu'ailleurs, de nuances assez fortes, si l'on ne veut pas être injuste. Au reste, les ennemis injustes font du bien, disait Montesquieu.
Il en est d'une langue comme d'un fleuve que rien n'arrête, qui s'accroît dans son cours, et qui devient plus large et plus majestueux, à mesure qu'il s'éloigne de sa source. Mais plus un despotisme est ridicule, plus il affecte de la gravité et de la sagesse. Et qui ne rirait d'un tribunal qui vous dit : je vais fixer la langue. Arrête, imprudent ! tu vas la clouer, la crucifier.
La langue « forêt » ou « fleuve » : deux métaphores pour dire que la langue est un organisme vivant, et que, comme tel, elle se reproduit, se renouvelle, se régénère, et que sans néologie, elle risque bien de devenir une langue morte.
La néologie pour L. S., c'est la création de mots nouveaux (ou de nouvelles acceptions d'un mot existant), tandis que le néologisme est un abus de la néologie. Il faut selon lui un juste milieu...
Les néologismes en discours
Un néologisme est un mot nouveau ou un sens nouveau (néologisme formel) donné à un mot ancien (néologisme sémantique). Les néologismes sont formés pour désigner des réalités nouvelles ou pour d'autres raisons, comme la mode ou ce que l'on appelle « l'air du temps ». Ils concourent à l'enrichissement de la langue.
Les néologismes formels sont forgés en conformité avec les règles de formation attestées en français. Cela ne signifie pas que le respect d'une règle de formation assure à tous les coups qu'un néologisme puisse apparaître. Ainsi, porter a donné portage (action de porter), mais embarquage sur embarquer n'existe pas.
Les néologismes sémantiques sont plus délicats :
Ils apparaissent par création d'un sens nouveau d'un mot existant en français. Par exemple, industrie signifie à l'origine « Dextérité, adresse à faire quelque chose » (Dictionnaire de l'Académie de 1694). Ce n'est qu'à partir de la révolution industrielle (précisément) que ce mot signifiera « profession mécanique ou mercantile », puis « Arts mécaniques et des manufactures en général, ordinairement par opposition à l'Agriculture » (Littré).
Ils apparaissent par importation d'un sens d'un mot étranger dans le sens d'un mot français. Par exemple, on observe actuellement le néologisme sémantique sur le verbe considérer qui par anglicisme prend le sens de to consider.
Voici un exemple entendu à la radio (considérer au sens de to consider, « prendre en considération ») :
Ce règlement, il va placer au cœur de toutes les entreprises l'obligation, la nécessité de considérer ces données et de considérer leur protection
Autre exemple : le terme mondialisation (formé à partie de mondialiser) ne date que des années 1960, il désigne une réalité cependant bien présente actuellement.
De même altermondialisme, et altermondialiste (préféré à antimondialiste) apparaissent dans les années 1990.