Connotation et dénotation
Dans vos écrits, parfois trouvez-vous des remarques du type « mot mal employé », ou « ne convient pas », ou encore « niveau de langue ». Souvent, ces remarques visent l'emploi du mot, non pas dans son sens et dans la réalité à laquelle il renvoie, mais dans son niveau de langage, qui n'est pas adapté à votre écrit.
Exemple :
Ainsi, dans la phrase : « L'employé avait commis un certain nombre de gaffes », le mot gaffes n'est pas adapté à un écrit soutenu. Il relève du vocabulaire familier et doit être réservé à l'oral (quotidien), ou à l'écrit privé quotidien. Il vaudrait mieux écrire : « L'employé avait commis un certain nombre de maladresses »
(niveau courant), ou « L'employé avait commis un certain nombre d'impairs / de bévues »
(niveau soutenu).
Anecdote lexicale
Peut-être auriez-vous proposé comme substitut à gaffes le mot boulettes : « L'employé avait commis un certain nombre de boulettes »
, mais ce terme est lui aussi familier. Il n'est cependant pas récent !
Le sens figuré de boulette apparaît au XIXe siècle : une boulette désigne d'abord une petite boule servant de projectile. C'est ce sens que l'on retrouve dans une boulette de papier (appréciée des élèves). À partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, les dictionnaires enregistrent le sens figuré de « bévue, sottise » (« commettre une bévue, faire une boulette »
). De grands auteurs, tels que Balzac et Proust, mettent ce mot dans la bouche de leurs personnages (source : TLFi) :
Mon cher patron, la banque a refusé des effets de vous passés par la maison Claparon à Gigonnet, sans garantie, est-ce ma faute ? Comment vous, vieux juge consulaire, faites-vous de pareilles boulettes ?
(Balzac, César Birotteau[1], p. 305)
Voyez-vous, reprit M. de Guermantes, même au point de vue de ses chers Juifs, puisqu'il tient absolument à les soutenir, Swann a fait une boulette d'une portée incalculable. (...), et la gaffe que commet Swann aura d'autant plus de retentissement qu'il était estimé, même reçu, et qu'il était à peu près le seul Juif qu'on connaissait.
(Proust, Sodome et Gomorrhe[2], p. 680).
Dans cet exemple, vous trouvez même le mot gaffe comme reprise du mot boulette, indice de leur relation synonymique.
Fondamental :
La différence entre les niveaux de langage pour décrire une même réalité, relève de la connotation et de la dénotation : on dira que gaffe, boulette et bévue dénotent la même réalité, mais qu'ils n'ont pas la même connotation.
La connotation et la dénotation englobent donc la question des niveaux de langage, mais s'appliquent aussi à d'autres différences, comme vous allez le voir dans l'exemple suivant, celui des pâtes Panzani.
Des pâtes, oui mais des Panzani !
Pour mieux comprendre ce que recouvrent les notions de connotation et de dénotation, partons d'un exemple célèbre — et très étudié :
Que voyez-vous ?
→ De la sauce tomate qui sort d'une boîte et se déverse sur des pâtes, dans des teintes jaunes et vertes et rouge.
Que comprenez-vous ?
→ C'est une publicité pour la marque de pâtes Panzani, assez ancienne.
Quel message est délivré par cette publicité ?
→ Ces pâtes sont aux couleurs du drapeau italien, elles sont donc originaires du pays des pâtes et proposent, quand on les déguste, comme un voyage en Italie.
Lisons maintenant ce qu'en disait Roland Barthes dans « Rhétorique de l'image », article paru dans le numéro 4 de la revue Communication en 1964 :
L'image nous livre tout de suite un premier message, dont la substance est linguistique : les supports en sont la légende, marginale, et les étiquettes, qui, elles, sont insérées dans le naturel de la scène, comme « en abyme » : le code dans lequel est prélevé ce message n'est autre que celui de la langue française ; pour être déchiffré, ce message n'exige d'autre savoir que la connaissance de l'écriture et du Français. À vrai dire, ce message peut encore se décomposer, car le signe Panzani ne livre pas seulement le nom de la firme, mais aussi, par son assonance, un signifié supplémentaire qui est, si l'on veut, l'« italianité ».[...]
Ce « signifié » (ce qui veut dire en linguistique le « sens ») d'italianité est la connotation du mot Panzani.
Panzani désigne une marque française de pâtes (c'est sa dénotation), et connote l'italianité.
Définition
La dénotation et la connotation sont des notions qui concernent la définition des mots.
La dénotation, c'est la définition du mot, à peu près telle qu'on la trouve dans le dictionnaire. Elle renvoie à son sens « objectif », le noyau stable de sa définition. C'est autrement dit, l'« idée principale » du mot, pour parler comme les logiciens de Port-Royal au XVIIe siècle.
La dénotation s'oppose à la connotation, qu'on peut définir comme la partie du sens d'un mot qui est seconde, liée à l'individu qui emploie ce mot. Ce sont les « idées accessoires » des logiciens de Port-Royal. La connotation peut correspondre à des valeurs socio-culturelles (par exemple, les niveaux et les registres de langue — bagnole s'oppose à voiture de ce point de vue), mais aussi à des valeurs affectives, personnelles ou collectives, qu'on associe aux sens des mots.
Exemple :
bévue et gaffe ont la même dénotation, mais l'un appartient au niveau soutenu, et l'autre au niveau familier.
autobus peut selon les locuteurs signifier « véhicule brinquebalant où l'on est bousculé », ou « transport public de surface plus agréable que le métro » (exemple emprunté à Jacqueline Picoche).
Fondamental :
Niveaux de langage et valeurs affectives des mots relèvent de la connotation.
Les connotations peuvent être sociales (fric = familier / argent = courant), locales (serpillière = standard / wassingue = emploi régional - dans le nord), temporelles (ire mot ancien pour la colère, noté Vx dans les dictionnaires pour « vieux », ou arch. pour « archaïsmes »), affectives.
Remarque :
Il ne faut pas confondre connotation et symbole.
Ainsi, on dira que la colombe est le symbole de la paix, mais que Noël, selon l'individu, pourra connoter la joie (ou la tristesse).
Simulation :
Quelles pourraient être les connotations du mot eau, selon les individus, ou les peuples ?
Niveaux de langage
Le maniement des niveaux de langage « est chose sociale et s'apprend comme la politesse ou la manière de se tenir à table », écrit Jacqueline Picoche, une linguiste spécialisée dans le lexique.
À différentes situations correspondent ainsi différents niveaux de langage. Vous changez d'ailleurs naturellement de niveau de langage selon la situation dans laquelle vous êtes. Par exemple, vous n'entrez pas dans un magasin de chaussures en demandant des godasses ou des godillots...
Simulation : À la liste des mots vulgaires, familiers ou argotiques suivants, essayez de substituer une liste de mots simplement courants :
bagnole |
cabot |
chialer |
flingue |
godasse |
laïus |
se marrer |
radin |
rigoler |
Que remarquez-vous ? Cliquez ici pour voir le corrigé
L'aide des dictionnaires
Les dictionnaires (numériques ou papier) donnent des indications qui permettent de situer le mot dans les niveaux de langue, lorsque que le mot ne fait pas partie de la langue courante. Voici des abréviations courantes et des exemples, qui pourront vous être utiles lorsque vous consultez un dictionnaire.