Chanterai ou Chanterais

Les bons réflexes

Je l'assurai que j'emploierais ma vie pour la délivrer de la tyrannie de ses parents.

« J'irai en Amérique, dis-je. J'y serai du moins libre avec ce que j'aime »

— (Abbé Prévost)

Dans ces phrases, faut-il écrire j'irai ou j'irais, j'emploierai ou j'emploierais ?

En français, le futur (j'irai) et le conditionnel (j'irais) ne se distinguent pas - ou mal - à l'oral à la première personne.

Méthode

Pour savoir s'il faut un –s ou pas, il existe un moyen simple : mettre le verbe à une autre personne, par exemple il, où la différence entre futur (il chantera) et conditionnel (il chanterait) s'entend.

Ainsi :

  • Il l'assura qu'il emploierait (et non emploiera) sa vie pour la délivrer.

    → C'est donc un conditionnel : je l'assurai que j'emploierais, à la première personne.

  • Il ira (et non irait) en Amérique, il y sera (et non serait) libre avec ce qu'il aime.

    → C'est donc un futur : J'irai en Amérique, dis-je. J'y serai libre, à la première personne.

Ce que dit la grammmaire

Le futur et le conditionnel ont beaucoup de points communs.

Leur forme est similaire ; le plus souvent pour les verbes en -er et les verbes en -ir, ils se conjuguent de la manière suivante :

  • pour le futur : infinitif + ai, as, a, ons, ez, ont.

    Par exemple : aimer > aimerai ; finir > finirons.

  • pour le conditionnel : infinitif + ais, ais, ait, ions, iez, aient.

    Par exemple : aimer > aimeriez ; finir > finiraient.

À quoi servent ces deux temps ?

Tous deux sont propres à exprimer l'avenir :

  • Le futur exprime l'avenir à partir du présent : Manon pense que je viendrai.

    Le fait que je vienne est bien ultérieur à la pensée de Manon qui a lieu dans le présent.

  • Le conditionnel exprime l'avenir à partir du passé : Manon pensait que je viendrais.

    Le fait que je vienne est ultérieur à la pensée de Manon, pensée qui a eu lieu dans le passé (d'où l'imparfait pensait).

C'est pourquoi le conditionnel est un temps de l'indicatif, comme le futur (et non un mode comme vous l'avez peut-être appris).

Par ailleurs, comme son nom l'indique, le conditionnel peut aussi exprimer des faits soumis à condition ou incertains :

  • En cas de crue, des milliers d'habitants se retrouveraient sans abri.

    La condition est exprimée par en cas de crue (= « s'il y a une crue »)

  • Des manifestations violentes se poursuivraient encore actuellement.

    Le journaliste qui rapporte ce fait, ne le présente pas comme certain.

Le conditionnel peut aussi atténuer, rendre plus polie une demande :

Je voudrais vous demander un service.

Futur et conditionnel dans les phrases hypothétiques

On rencontre ces deux temps dans les phrases qui contiennent une hypothèse. Le futur apparaît, avec le présent, dans l'expression de l'éventuel (fait réalisable dans le futur) :

  • Si tu viens demain, je serai content.

Le conditionnel apparaît, avec l'imparfait, dans un système qui peut évoquer soit le potentiel (fait réalisable dans le futur, mais moins probable) :

  • Si jamais tu venais demain, je serais content.

soit l'irréel du présent (fait qui aurait pu arriver dans le présent mais n'a pas eu lieu) :

  • Si tu étais là maintenant, je serais content.

Complément

Il existe aussi des formes composées qui correspondent au futur et au conditionnel : ce sont le futur antérieur (j'aurai chanté) et le conditionnel passé (j'aurais chanté). Il se construisent avec l'auxiliaire avoir au futur ou au conditionnel, suivi du participe passé du verbe.

Le futur antérieur exprime une action achevée dans l'avenir :

  • Bientôt, j'aurai fini tout mon travail.

Le conditionnel passé évoque le plus souvent l'irréel du passé, c'est-à-dire un fait qui aurait pu avoir lieu mais ne s'est pas produit :

  • J'aurais fini tout mon travail si je n'avais pas reçu tant d'appels !

Là encore, on peut changer de personne pour savoir comment l'écrire :

  • Bientôt, il aura fini tout son travail → futur antérieur, donc aurai fini à la première personne

  • Il aurait fini tout son travail s'il n'avait reçu tant d'appels → conditionnel passé, donc aurais fini à la première personne.