Chanté ou chanter ?
Les bons réflexes
Le tigre s'est épuisé en essayant de nager vers le bord [...]. Le pauvre a failli se noyer
— (Le Monde)
À chaque fois que vous devez écrire un verbe qui se termine par le son [e] (prononcez « é »), posez-vous la question : dois-je l'écrire -é ou -er ?
En français, le participe passé des verbes qui finissent par -er s'écrit avec un é, et l'infinitif avec -er. Il faut donc vous demander : cette forme est-elle un participe passé ou un infinitif dans la phrase où je veux l'employer ?
Méthode :
Pour le savoir, il existe un moyen simple : remplacer le verbe en -er par un verbe comme mordre ou partir, dans lesquels la distinction entre le participe passé et l'infinitif s'entend nettement.
Par exemple, un verbe comme partir a un infinitif en -ir, alors que son participe passé est parti.
Le tigre s'est affaibli (et non affaiblir) : c'est un participe passé, vous l'écrivez -i.
En essayant de partir (et non parti) : c'est un infinitif, vous écrivez -ir.
Il a failli mourir (et non mort) : c'est un infinitif.
Quand c'est un participe passé, celui-ci peut parfois s'accorder !
Par exemple, dans :
Les lions, échappés du zoo, ont failli mourir sur la route.
Comment écrire échappés ?
D'abord, remplacez par partir : les lions partis du zoo (et non *partir du zoo), c'est donc un participe et la forme du verbe s'écrit -é.
Ensuite ce participe se rapporte à lions au pluriel (les lions sont échappés), il porte donc la marque du pluriel -s.
Ce que dit la grammaire
L'infinitif est la forme de base du verbe, c'est celle que l'on trouve dans les dictionnaires.
On le trouve parfois tout seul, comme centre de phrase : Où aller maintenant ? et Ne pas fumer. Dans ces phrases, c'est l'infinitif (aller ou fumer) qui est le centre, comme dans les équivalents conjugués : Où vas-tu maintenant ? et Ne fumez pas.
Le plus souvent, l'infinitif se comporte un peu comme un nom. Il peut être complément d'un verbe conjugué :
Nathalie voulait mettre une distance entre la colère muette de Guillaume et elle.
— Y. Lahens, Guillaume et Nathalie
Dans cet exemple, mettre est le complément de voulait, comme un nom : elle voulait un remerciement.
Il peut aussi être le sujet ou l'attribut d'une phrase : Souffler (sujet) n'est pas jouer (attribut), ou former divers compléments après une préposition (à, par, pour, à condition de...) :
Robinson fit un effort pour s'asseoir.
— M. Tournier
Le participe quant à lui se trouve employé de deux façons principales :
Soit il se comporte un peu comme un adjectif et accompagne un nom :
Le tigre épuisé rejoint la rive. (comparez avec : Le tigre blanc rejoint la rive)
Soit il sert à former les temps composés d'un verbe, comme le passé composé :
Le tigre a nagé vers la rive.
Remarque :
Le participe et l'infinitif s'écrivent de façon différente car en latin, les infinitifs des verbes dont ils proviennent se terminaient en –are (amare > aimer), et les participes passés en –atum (amatum > aimé).
Tous deux ont évolué et se prononcent « é », mais l'orthographe garde la mémoire du r latin dans l'infinitif.
Complément :
Il y a des cas où l'on peut vraiment hésiter entre participe passé et infinitif.
Ainsi dans :
L'employé s'est fait renvoyer.
Il s'est laissé emmener par sa sœur.
Il s'est vu attaquer par des chiens errants
(dans le sens de « il s'est fait attaquer »).
Les erreurs sont fréquentes : retenez qu'après les tournures se faire, se laisser, se voir, il y a un infinitif.
On dirait bien Il s'est vu/fait mordre (et non mordu)...
Toutefois, on pourrait imaginer un cas où on pourrait écrire :
Il s'est vu battu par ses adversaires, dans le sens de « il s'est imaginé battu », « il a visualisé sa défaite ».
Dans ce cas tout à fait possible, on insisterait plus sur le résultat de l'action (il s'est imaginé qu'il était déjà battu) que sur le processus (il s'est fait battre).
Pour mieux comprendre encore, comparez ces deux phrases et essayez de formuler leur différence de sens :
Il s'est vu battre par son adversaire en 5 sets.
Il s'est vu battu avant même que le match ne commence.
Dans la seconde phrase, le joueur n'a pas commencé à jouer mais il anticipe sa défaite en la « voyant » par avance.