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Exemple« Universités canadiennes : le printemps érable »

En octobre 2017, un journal titrait ainsi un article consacré aux universités canadiennes : « Universités canadiennes : le printemps érable »

On entend dans ce titre l'expression née en 2011, « printemps arabe » : érable est proche par le son de arabe, mais éloigné par le sens. Arabe/érable forment un couple de paronymes[1], qui n'est pas habituel (contrairement à d'autres couples plus habituels comme allocution/allocation). Ici, la paronymie[2] est « contextuelle » Elle est au service d'une figure qu'on appelle la paronomase[3].

Cette figure rapproche deux termes dont le son est proche mais qui diffère par le sens, et cette association crée du sens, comme dans cette phrase de Jean-Jacques Rousseau :

Photo d'une feuille d'érable servant de marque-page dans un livre aux feuilles blanches
Feuille d'érableInformations[4]

« Je ne doute pas qu'un homme coupable d'un crime ne soit capable de cent ; mais ce que je sais mieux encore, c'est qu'un homme accusé de cent crimes peut n'être coupable d'aucun. Entasser les accusations n'est pas convaincre et n'en saurait dispenser. » (Dialogues)

En rapprochant coupable d'un crime et capable de cent crimes dans une concession (« Je ne doute pas que ?), Rousseau donne de la force à l'idée qu'il développe par la suite, à savoir qu'il ne suffit pas d'imputer des crimes à un homme pour prouver sa culpabilité. Rousseau apprécie particulièrement cette figure, car on retrouve sous sa plume, dans les mêmes Dialogues : « De crime en crime, un homme coupable d'un seul devient, comme vous l'avez dit, capable de tous ».

Pastel de Quentin de La Tour, Jean-Jacques Rousseau, en 1753

Dans la paronomase[3] du printemps érable, un seul des deux termes est exprimé, mais l'allusion est transparente. La paronomase[3] est souvent exploitée par les métiers de la communication comme la publicité ou la presse, pour la complicité qu'elle instaure avec le lecteur. On la tourne aussi dans les proverbes : « Qui se ressemble s'assemble ».

ComplémentUn petit divertissement

Vous connaissez tous le Prince de Motordu[5] de Pef... si, si j'en suis sûre, ce prince en jean, dont la langue fourche tout le temps. Voici le début de son histoire :

À n'en pas douter, le prince de Motordu menait la belle vie. Il habitait un chapeau magnifique au-dessus duquel, le dimanche, flottaient les crapauds bleu blanc rouge qu'on pouvait voir de loin. Le prince de Motordu ne s'ennuyait jamais. Lorsque venait l'hiver, il faisait d'extraordinaires batailles de poules de neige. Et le soir, il restait bien au chaud à jouer aux tartes avec ses coussins... dans la grande salle à danger du chapeau. Le prince vivait à la campagne. Un jour, on le voyait mener paître son troupeau de boutons. Le lendemain, on pouvait l'admirer filant comme le vent sur son râteau à voiles (extrait de La belle lisse poire du prince de Motordu, Pef[5]).

Les mots en gras sont des paronymes[1]. Toute l'écriture de Pef repose sur l'utilisation ludique et joyeuse de paronymes[1], ce qui lui permet de créer un monde parallèle et incongru.