Des pléonasmes à déjouer

En guise d'amusement

Simulation

Sauriez-vous expliquer ce qui « cloche » dans les pléonasmes suivants, qui sont pointés du doigt sur la Toile par les défenseurs de la langue française ?

  1. Au jour d'aujourd'hui

  2. Discutons-en sur un forum de discussion

  3. Osez le tri sélectif

  4. Faites un don gratuit

  5. Faites-moi un bref résumé

  6. Évitez de grignoter entre les repas

  7. Préparez votre ticket à l'avance

  8. Participez à des débats participatifs

Et vous, quel est votre avis sur ces pléonasmes ? Partagez vos remarques avec des amis...

Les explications

Voici quelques pistes sur les pléonasmes les plus critiqués :

« Au jour d'aujourd'hui » ou simplement « aujourd'hui » ?

Aujourd'hui est un mot composé de plusieurs éléments qui se sont soudés avec le temps : au + jour + d'hui, locution (= ensemble de mots qui fonctionnement ensemble) qui signifie « le jour où l'on est ». Le mot hui vient directement du latin hodie et signifie « le jour où l'on est ». Autrement dit, le mot aujourd'hui signifie deux fois « le jour où l'on est », et ce renforcement pléonastique entre jour et hui est particulier au français.

En ajoutant au jour d' avant aujourd'hui, on double le renforcement pléonastique, c'est-à-dire qu'on dit, non pas deux fois, mais trois fois la même chose !

Évitez donc ce pléonasme (qui fait un peu précieux, il faut bien l'avouer), tout en vous amusant du fait que aujourd'hui est déjà un pléonasme.

Si vous voulez insister sur l'actualité du phénomène que vous évoquez, vous pouvez dire à l'heure actuelle, à cet instant précis, etc.

Discutons-en sur un « forum de discussion » ou un « forum » suffira-t-il ?

Mais d'abord, qu'est-ce qu'un forum ? Ce mot est un emprunt au latin, qui désigne tout lieu où l'on discute des affaires publiques. Dans la deuxième moitié du XXe siècle, ce mot a pris la valeur de « réunion, colloque, débat public », surtout en parlant de la vie publique américaine.

À l'ère du numérique, ce mot est tout à fait adapté à cet espace virtuel où des protagonistes peuvent prendre la parole et échanger des idées, des informations, à propos d'un sujet en particulier.

À quoi sert ce pléonasme donc ? sans doute à spécifier qu'il s'agit d'un forum numérique, par opposition à d'autres forums, tels que le Forum économique mondial qui se tient à Davos en Suisse tous les ans depuis 1971.

Osez le « tri sélectif » ou le « tri » fera bien l'affaire ?

Que faites-vous lorsque vous triez ? Vous séparez à l'intérieur d'un ensemble de choses disparates des choses de même nature, vous sélectionnez par exemple celles que vous voulez garder et celles dont vous voulez vous séparer, etc. Autrement dit, le tri revient à sélectionner. D'ailleurs à une certaine époque (reculée) du français, le mot tri signifiait « élite, sélection ». Le tri est donc toujours... sélectif !

Là encore, posez-vous la question de l'utilité d'un tel pléonasme : le tri sélectif est en fait un certain type de tri, c'est le tri des déchets. Autrement dit, l'adjectif sélectif sert à spécifier de quel tri l'on parle. Ainsi, lorsque vous triez des papiers, vos feuilles de cours, etc., vous ne direz pas que vous faites du tri sélectif. Ayez cependant à l'esprit la formation pléonastique d'une telle collocation[1].

Un « don gratuit » est-il encore un don ?

L'adjectif gratuit signifie « désintéressé », « accordé par générosité » (dans : un geste gratuit par exemple). L'expression un don gratuit présente donc bien une redondance puisqu'un don désigne à la fois l'action d'abandonner gratuitement quelque chose à quelqu'un et son résultat, ce que vous avez donné.

Alors pourquoi un tel pléonasme ? Là encore, regardons les circonstances dans lesquelles naît l'expression don gratuit et ce qu'elle recouvre : on parle de don gratuit lorsque l'objet du don n'est pas payant pour celui qui donne (ou a l'impression de donner). Qu'est-ce que cela signifie ? Certains sites de dons collaboratifs vous proposent de « donner gratuitement » à un destinataire (ONG, association, etc.)... en visionnant une publicité. Lorsque vous avez visionné la publicité, vous cliquez et vous avez donné. On voit bien que ce don n'est pas payant pour l'internaute (il a seulement donné de son temps), mais qu'il l'est pour le publicitaire qui finance.

Le pléonasme don gratuit désigne donc un nouveau type de don, une nouvelle réalité dans les conditions même du don, mais il a sans aucun doute quelque chose de trompeur... en effet, « Quand c'est gratuit, qui paie ? » (titre du documentaire réalisé en 2017 par Marie-Pierre Farkas)

Que faire quand on veut faire court : un « bref résumé » ou un « résumé » ?

Un résumé est un exposé condensé consistant en peu de mots, il est donc nécessairement bref. On dit d'ailleurs en résumé, au sens de « en bref ».

Ce pléonasme est donc inutile, même si on peut envisager des résumés plus ou moins longs bien sûr !

« Évitez de grignoter entre les repas » : évidence ou bonne recommandation ?

Quand on grignote, on mange très peu, souvent petit à petit, en croquant ou en rongeant du bout des dents. En général, on grignote entre les repas, alors qu'au contraire pendant les repas, on mange « à pleines dents ». Ceux qui dénoncent ce pléonasme rétorquent ainsi : « Quand grignoter, sinon entre les repas ? » Mais dire cela, c'est se représenter le repas comme identique pour tous les mangeurs, alors qu'on sait très bien que certains grignotent à table !

L'expression grignoter entre les repas n'est donc pas si pléonastique que ça... ou pas pour tout le monde.

« Préparez votre ticket à l'avance » ou « préparez votre ticket » ?

Ce pléonasme très fréquent est inutile. Il ne sert qu'à insister lourdement sur le fait de « bien » prévoir de sortir son ticket...

Participez à « des débats participatifs » ou à des « débats » ?

Là encore, l'adjectif participatif entre en redondance avec le verbe participer et avec le terme débat : pour débattre, il faut bien entrer dans une discussion, et donc y participer. L'adjectif participatif est très employé actuellement, après des noms tels que débat, démocratie (depuis son utilisation par Ségolène Royal lors de la campagne présidentielle de 2007).

On peut lire sur internet : « Un débat participatif n'est pas un débat où les gens participent "tout court". Si c'était le cas, parler de débat participatif serait un pléonasme ! », le « participatif, c'est un travail d'élaboration collective ». Certes, mais n'est-ce pas cela débattre ou être en démocratie ?

Ce qu'il faut retenir, c'est que participatif a pris un sens très actif, il implique une participation active des protagonistes dans une action, une activité (Larousse). Un débat participatif est donc un débat où les débatteurs sont très impliqués, et auxquels l'ensemble de la population est invitée.