Les syllepses

Définition

Lorsqu'on emploie un seul mot avec deux acceptions[1] ou sens différents (souvent concret/abstrait, propre/figuré), on parle de syllepse[2].

ExempleCélèbre exemple de l'épigramme anonyme contre Adolphe Thiers, président de la République française entre 1871 et 1873 :

« On dira quand il sera mort,

Pour glorifier sa mémoire :

Ci-gît celui qui vient encore

De libérer le territoire. »

Cette épigramme (court poème qui se finit par un trait critique) est assez violente : « libérer le territoire » signifie d'abord « délivrer le pays de l'ennemi » (ce que Thiers s'est vanté de faire en libérant la France des Prussiens en 1871), et aussi « délivrer le pays de soi-même », ce qui est évidemment une critique du Président !

Francis Ponge est un écrivain connu pour avoir exploré poétiquement les choses du quotidien et leur avoir redonné de la noblesse. Dans ce texte, il décrit la fin du service dans un restaurant parisien des années 40 :

« Fomenté cependant par les filles de salle au cours des derniers services du repas du soir, peu à peu se propage et à huis clos s'achève un soulèvement général du mobilier, à la faveur duquel les besognes humides du nettoyage sont aussitôt entreprises et sans embarras terminées. » (Le Parti pris des choses)

Le mot soulèvement est ici à prendre dans deux sens différents : l'action concrète de soulever les chaises sur les tables pour passer la serpillière sur le sol du restaurant, et au figuré, le mouvement collectif de révolte, voire d'insurrection, à la faveur des mots présents dans le contexte (fomenté : on fomente un complot, et l'adjectif général qui accompagne souvent le mot soulèvement). Cette syllepse[2] contribue à faire des objets banals des êtres animés.