Mots simples et mots construits
Voici une liste de mots.
Parmi eux, certains sont simples (ils constituent une seule unité), d'autres sont construits (ils contiennent plusieurs éléments qui contribuent au sens du mot).
Essayez d'identifier les mots simples, avant de lire la réponse ci-dessous :
chameau
jaune
irréfutable
boire
mer
désirable
grièvement
cheval
rougeâtre
honnêtement
carré
problème
Les mots simples ont en commun de ne pas pouvoir être décomposés en éléments contribuant à construire leur sens.
Par exemple, jaune peut être décomposé en jau et ne mais son sens ne découle pas de ces éléments. C'est le cas aussi de boire, mer, carré, problème. Certes, ce dernier mot, problème, peut être raccourci dans la langue familière en blème par une troncation[1] qu'on appelle aphérèse[2] (il y a un blème ?), cependant problème n'est pas décomposable du point de vue du sens en pro et blème.
Pour chameau, grièvement et cheval, sans doute avez-vous hésité : est-ce que ce sont des mots simples ou des mots construits ?
Pour chameau, on peut décomposer en cham- et -eau (parce que l'on peut avoir cham-elle, cham-elier, etc.). Mais, le sens de chameau ne se déduit pas du sens de cham et de eau, on dira donc que c'est un mot simple.
Pour cheval, le raisonnement est le même : on a l'impression qu'on peut décomposer en chev- et -al (on retrouve l'élément -al dans d'autres mots, tels que chacal), mais là encore, que signifie chev- ? C'est donc un mot simple.
Enfin pour grièvement, on reconnaît bien griève et –ment (ce dernier élément sert à former les adverbes de manière en –ment : honnêtement, lentement, fortement). Mais dans honnêtement, les deux composants honnête et -ment contribuent au sens du mot obtenu (« d'une manière honnête »). Dans grièvement, ce n'est pas le cas (« d'une manière griève » ?). On dira donc que c'est un mot simple dans notre français actuel.
Les mots construits étaient dans cette liste :
irréfutable (ir-réfut-able), désirable (désir-able), rougeâtre (roug(e)-âtre), honnêtement (honnête-ment).
Remarque :
Il faudrait remonter dans l'histoire du français pour trouver le mot griève (féminin de l'adjectif grief, synonyme de grave). Ce n'est donc que si l'on prend en compte l'histoire de la langue française (ce qu'on appelle la diachronie[3]), que l'on peut alors dire que c'est un mot construit.
Fondamental :
Un mot simple est un mot qu'on ne peut décomposer en éléments qui construisent le sens de ce mot. Par exemple : jaune, faire, mer, carré, enfant.
Un mot construit est un mot dans lequel on reconnaît des éléments qui contribuent au sens du mot lui-même. Par exemple : jaunâtre, refaire, marin, enfantin.
Encore une ou deux questions...
Si au lieu de boire, c'était boirons qui était apparu dans la liste ? Si au lieu de jaune, c'était jaunes qui était apparu ? Auriez-vous dit que boirons et jaunes étaient construits ?
Boirons est la forme du verbe boire au futur simple de l'indicatif de la 4ème personne (dite aussi 1ère personne du pluriel), nous boirons : c'est une variation à partir de l'infinitif boire. C'est donc le même verbe.
Jaunes est le pluriel de jaune, -s est donc la marque du pluriel, mais c'est bien le même adjectif.
Dans les deux cas, donc, ce sont des mots simples.
Les variations de la forme d'un mot, qu'il soit nom, adjectif ou verbe, ne sont donc pas des procédés de formation de mots nouveaux. On dira que jaunes et boirons sont des formes fléchies de jaune et de boire, c'est-à-dire que leur forme varie selon le rôle qu'ils jouent dans la phrase. Les formes non fléchies boire et jaune sont choisies pour constituer les entrées du dictionnaire.